Dans les années 1990, Silmarils a marqué l'histoire du jeu vidéo français. Depuis sa disparition en 2003, le fondateur André Roques est revenu dans la partie avec Eversim, mais la place d'un Frenchie sur le marché international, c'était plus facile à la belle époque...
L'Aigle d'Or, la première création.
Eversim, aujourd'hui, est spécialisé dans le serious game et la simulation stratégique. On lui doit notamment une série qui rassemble énormément d’aficionados sur Internet, GeoPolitical Simulator. Son talent? Proposer une simulation de très grande échelle où il est possible de prendre n'importe quel dirigeant de la planète et de gérer un pays. Mais à l'origine, son fondateur, André Roques, était le papa de
Silmarils, un studio phare du jeu vidéo français dans les années 1990.
Silmarils a été fondé en 1987, à une époque où le jeu vidéo, c’était vous, mais aussi Ubi, Infogrames ou Coktel. On a l’impression que la scène française était très présente à ce moment?
C’était une époque de pionnier. Le monde du jeu vidéo était en effervescence et des entreprises naissaient tous les jours. L’ambiance était tout autre. Il fallait suivre les innovations en permanence, tout était à faire. Il y a avait en effet beaucoup de développeurs dans des garages ou alors c’étaient des sociétés très petites, mais où il y avait beaucoup de monde.
C’était une entreprise familiale, Silmarils?
A l’origine oui. Mon frère et moi, nous étions des auteurs indépendants en 1983. Au tout début du jeu vidéo français, on faisait tout chez nous et on été édités notamment chez
Loriciel. Quatre ans après, nous avons créé notre société à Champs-sur-Marne, dans une pépinière (ndlr: qui existe toujours). C’était une structure familiale, comme beaucoup d’autres à l’époque. On est devenus développeurs par hasard, mon frère était ingénieur et moi j’étais footballeur à Meaux. Notre premier jeu, c’était un simulateur de pays, «Le Président», chez
Loriciel.
Ishar, la plus grande série de Silmarils.
Déjà de la simulation de géopolitique!
Oui mais nous ne faisions pas que ce genre de jeu. Mon frère avait eu le Tilt d’or 1984 du jeu d’aventure avec
L'Aigle d'Or, sa première réalisation. On a continué à développer des produits pendant trois ou quatre ans avant de fonder
Silmarils. Un troisième associé est arrivé par la suite lorsqu'on a monté l'entreprise.
D'ailleurs, cette époque-là, c’était aussi et surtout l’âge des jeux d'aventure et du point & click. Pourquoi était-ce si naturel de se retrouver dans ce genre?
C’était le thème principal de cette période en effet.
Je me rappelle des premiers jeux où en plus de lire, on pouvait voir, c’était surprenant
Il n’y avait pas vraiment de passé encore à l'époque, alors on s’inspirait un peu de ce qu’on avait vu sur les consoles (ndlr: entre 1984 et 1987, les joueurs
Atari 2600,
Atari 5200,
Intellivision,
Vectrex ou
Commodore 64 avaient surtout un catalogue de jeux de sports, de shoot et d'aventure textuelle). L’aventure, c'est l'idéal pour le mythique, pour l’imaginaire. Surtout quand... Je me rappelle des premiers jeux où en plus de lire «des Indiens sont cachés dans le bosquet», on pouvait les voir, c’était vraiment surprenant.
Côté mythe et aventure, vous êtes en plein dedans avec le nom de la société.
C’est une référence aux
Silmarils oui, les trois diamants dans l’œuvre de Tolkien. Au début, on était trois, et on voulait une connotation rôliste,
héroic-fantasy. Nous ce qu’on voulait faire, c’était dans le domaine de l’imagination, pas que dans le jeu de rôle d’ailleurs. On a puisé dans notre culture cinématographique et littéraire.
Silmarils aujourd'hui, c'est Eversim, un éditeur de «serious games» géopolitiques.
Parlons d’Ishar, la série phare de Silmarils dont le premier épisode est l'un des grands jeux du début des années 1990. Vous pensez avoir marqué le jeu vidéo français avec cette série?
Des gens nous en parlent encore aujourd’hui et certains nous contactent pour avoir des infos. C’était assez novateur à l’époque avec son système de jeu. J’y jouais encore avec ma fille il y a plusieurs mois. Les graphismes ont vieilli mais c’est encore bon.
Comment expliquer la liquidation de la société en 2003, à une époque justement où tous les pionniers français de votre genre ont petit à petit disparu…
C’était la crise dans le jeu vidéo français aussi, on a perdu 50% de nos emplois en quelques années. Le PC s’est démocratisé,
Amiga et
Atari ont disparu progressivement et la concurrence est devenue plus grande sur ce support. Il y avait plus de budget, car on commençait à faire des jeux vastes, avec des images de synthèses etc. Ce n’était plus dans notre ordre de grandeur. On s’est reconverti dans les jeux sur commande, pour
Ubisoft. Mais le coût était trop élevé. Les sociétés ont changé de structure à ce moment-là avec des gros qui se sont consolidés et des petits qui ont disparu.
C’est toujours aussi facile, aujourd’hui, d’être un studio français reconnu à l’international?
C’est plus facile d’être présent sur le marché international, oui, grâce à Steam surtout. Mais d’être connu, pas forcément. Au moins, on n’est pas obligé de s’installer aux USA. A Eversim (ndlr: l'entreprise qu'il a fondé en 2004), 40% de nos ventes viennent des USA.
- Mal écrit le 16/01/2015 à 18h24 par Jivé.